LSTE: ajuster le tir

01.02.2024
À la fin 2023, l’actualité politique liée aux élections au Conseil fédéral et à la conférence sur le climat de Dubaï ont quelque peu fait de l’ombre au message sur la Loi fédérale sur la surveillance et la transparence des marchés de gros de l’énergie (LSTE). À tort, car cette loi proposée par le Conseil fédéral transfère dans le droit ordinaire une partie du fameux «mécanisme de sauvetage» édicté en urgence dans le sillage des frasques des prix survenues sur les marchés européens de l’énergie en 2022.

Une réglementation sur les obligations de transparence et l’interdiction des opérations d’initiés et de la manipulation de marché (REMIT) existe en Europe depuis 2011. De ce fait, les entreprises énergétiques suisses actives à l’international sont déjà parfaitement familiarisées avec les obligations d’annoncer les transactions et les ordres, ainsi qu’avec la publication d’informations d’initiés. Depuis 2013, les entreprises annoncent leurs transactions et leurs ordres européens non seulement à l’autorité de régulation européenne ACER, mais aussi à l’ElCom, l’autorité suisse. Le mécanisme de sauvetage a déjà étendu ces obligations aux activités de négoce suisses des entreprises «d’importance systémique».  

Avec la LSTE, l’ensemble des transactions, ordres et informations d’initiés en Suisse qui pourraient avoir une influence sur les prix des marchés de gros de l’énergie seront désormais soumis à une obligation de transmission ou de publication. Les nouvelles obligations concerneront en premier lieu les petites et moyennes entreprises d’approvisionnement en énergie et les gestionnaires de réseau de distribution.  

Il est primordial que la LSTE ne donne pas lieu à un «Swiss finish». Autrement, le petit marché suisse risque de se retrouver confronté à une charge de travail supplémentaire élevée et à des désavantages concurrentiels.

Pour les entreprises pour qui les obligations de transparence et de publication sont déjà une réalité, il est primordial que la loi ne donne pas lieu à un «Swiss finish». Autrement, le petit marché suisse risque de se retrouver confronté à une charge de travail supplémentaire élevée et à des désavantages concurrentiels. Pour les entreprises qui seront nouvellement concernées, la charge de travail initiale sera élevée et exigeante. Pour celles-ci, il faut prévoir la possibilité de déléguer les obligations à des tiers. Sur ces deux points, la proposition du Conseil fédéral est tout à fait convaincante et ne saurait être modifiée. 

En revanche, le Parlement est appelé à corriger d’autres éléments:  

  • Il s’agit de fixer un plafond pour le calcul des sanctions, en s’appuyant sur les réglementations européennes.  
  • Concernant la compliance, il serait faux de renverser le fardeau de la preuve, c’est-à-dire devoir prouver une action licite (ce qui serait contraire au principe juridique essentiel de la présomption d’innocence). 
  • Les données commerciales extrêmement sensibles doivent être traitées de manière confidentielle et ne devraient pas être transmises par l’ElCom à des tiers. 
  • Enfin, vouloir déduire de la LSTE un monitoring sur la sécurité d’approvisionnement en plus de ce qui est déjà prévu par la LApEl n’a pas de sens, vu qu’aucune conclusion à ce sujet ne saurait être tirée des données de transaction.  

Il est tout à fait justifié d’augmenter la transparence sur l’évolution du marché pour l’ElCom. Néanmoins, il s’agit maintenant d’ajuster le tir pour ne pas rater l’objectif.

Responsable Affaires publiques à l’AES

Dominique Martin

À la rubrique «La plume politique», Dominique Martin publie régulièrement ses commentaires et ses appréciations sur des thèmes de politique énergétique.

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